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DE L’IMAGINATION

débat du Réel et de l’Imaginaire ? Bien que tu ne sois pas de ce temps, tu connais les criailleries qui accueillirent Flaubert et ses continuateurs, Zola, les Goncourt, moi-même. On ne pouvait nous pardonner d’introduire dans le roman les éléments ordinaires de la vie. Il est certain que, depuis, le réalisme s’est galvaudé, qu’il a roulé dans le vulgaire, et l’on a voulu voir une doctrine là où il n’y avait qu’une émancipation. Nous réclamions le droit de parler de tout, de traiter tous les sujets, de prendre nos caractères et nos tableaux dans toutes les classes. Il n’y a pas à nier que l’Assommoir soit un chef-d’œuvre, ni que Germinie Lacerteux en soit un autre. Nos opinions, bonnes ou mauvaises, ont donné un vif élan à la littérature nationale et de cela personne ne peut se plaindre.

Mais le vieux reproche est autre : « Vous voulez peindre la réalité. Alors vous serez des photographes, d’inertes miroirs, des phonographes, des appareils qui reproduisent ce qui tombe dans leurs embouchures, dans leurs tuyaux, et qui reproduisent tout, sans discernement, ni choix. Vous voulez peindre la réalité ; mais nous la connaissons trop, la réalité. Elle est là autour de nous qui, chaque jour, nous obsède et nous étreint. Ce que nous demandons à l’art, c’est précisément de nous arracher au réel, de nous mon-