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DE L’IMAGINATION

chargées de ferments. Il faut se garder des analogies faciles, mais elles sont bien les filles des brumes, les Walkyries du dieu Wotan, qui parcourent tous les points de l’espace dans un galop furieux. Des poèmes de Robert Browning, pour en citer un au hasard, aux poèmes de Frédéric Mistral, telle est à peu près la distance.

Mon père. — L’imagination méridionale est avant tout violente et rapide ; mais, dans sa frénésie, elle garde des rapports avec la raison, des attaches solides. Sa clarté est quelquefois plus apparente que réelle. Il est des sources fraîches dont la limpidité masque la profondeur. En tous cas, elle ne se grise point avec elle-même. Elle n’a rien de somnambulique, ni d’artificiel. Elle reste adhérente à la vie. Les écrivains de race méridionale ont quelquefois fait des efforts pour s’arracher à leur tempérament, devenir nébuleux, abscons et symboliques. La clarté latine est là qui les bride, les enserre et les contraint, malgré qu’ils en aient, à demeurer dans le compréhensible. Ces contorsionnements m’amusent. Sans doute, elle semble banale l’hypothèse des horizons clairs qui obligent l’imagination à rester translucide et directe. Mais n’est-elle pas juste et sans réplique ?

En dehors des questions de race et parallèlement à elles, quoi de plus amusant, de plus gai