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DE L’IMAGINATION

que le cas de Népomucène Lemercier, l’auteur de la Panlujpocrisiade. C’était certes un homme d’imagination, mais d’imagination latine. Et plus le malheureux voulait échapper à la netteté, aux qualités foncières de son esprit, plus les bandelettes du bon sens l’étreignaient fortement et le rendaient inapte à toute divagation artistique. Il fut étrange, mais d’une étrangeté classique, obéissant aux règles et à la règle, enfermé dans un moule bizarre.

L’imagination septentrionale, et je te prie de ne voir aucun blâme dans mes paroles, est, par contre, naturellement complexe. Il eût sans doute été impossible à Carlyle, aussi bien qu’à Browning ou à Jean-Paul Richter ou à Walt Whitmann de s’exprimer d’une façon claire. Ces souterraines analogies, dont nous parlions tout à l’heure, ce réseau obscur de l’univers les obsédaient jusqu’au délire. Leurs beautés sont des torches puissamment agitées dans les ténèbres.

Les explications de Carlyle, celles de Jean-Paul ne font que renforcer la nuit. Ils se meuvent aisément dans le mystère. Les consonances semblables, les heurts de mots et de formules, les allitérations prennent, en leur style, un aspect sibyllin, source de perpétuelles rêveries.

Moi. — N’éprouves-tu pas, toi Latin, une sorte de répulsion ou de méfiance devant ces tissus de