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DE L’IMAGINATION

de cette ombre, de sorte qu’ils s’alternent d’or, de roux et de ténèbres.

Si dangereux et décevants que soient les parallèles, il ne me semble pas qu’on ait eu tort de comparer l’imagination de Rembrandt à l’imagination de Shakespeare. Comme le peintre hollandais, le dramaturge anglais a son atmosphère bien à lui, telle qu’une émanation de son génie, et ses personnages jouissent par alternatives d’une richesse dorée ou d’un noir compact qui les rapprochent des inoubliables capitaines de la Ronde de nuit, des stupéfiants Drapiers. Les vertus et les vices, les douceurs et les violences, les rêveries et les actes font ici l’ombre et la lumière.

Un autre ordre de réflexions m’est venu, toujours à propos de Rembrandt, comme je visitais le musée de Madrid, et comparais mentalement ses merveilles aux merveilles du musée d’Amsterdam. Il m’apparut que les imaginations de Velasquez et de Rembrandt différaient du tout au tout. Cela se traduit par la manière d’apprêter le chef-d’œuvre. Que l’on s’approche du portrait de sa mère, du maître hollandais et qu’on cherche les traces du travail, de la fougue, le coup de pinceau. Aucun effort, aucune subjectivité, pour parler le langage des pédants, n’est apparent. Le peintre a rendu la vie dans son relief et sa chaleur, mais