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DE L’IMAGINATION

marque, c’est le duel de la lumière et de la couleur, auquel Taine dans sa Peinture italienne, aussi bien que dans sa Peinture flamande, ne semble pas avoir apporté une suffisante attention. Cet antagonisme est réel. L’image la plus vive en fut pour moi un genêt d’Espagne qui se trouvait justement dans la petite maison d’Eugène Delacroix que nous habitions alors. Ce genêt, quand venait le soir et que le soleil s’éteignait, flamboyait comme un ostensoir.

Moi. — Cette remarque se confirme par une visite à tel grand musée du nord, celui d’Amsterdam, par exemple. Les Rembrandt, les Hals, les Terburg, les Vermeer de Delft ont été les rois de la couleur. Et, dans leur pays, un ciel bas et grisâtre ou bien un ciel neigeux conviennent surtout aux nuances adorables des maisons et des canaux. Les couleurs, en ce cas, sortent avec une violence extraordinaire. L’on comprend qu’elles aient en quelque sorte forcé les yeux des peintres et aidé à la création des premiers parmi les réalistes.

Quant à l’imagination, elle est ici dans le détail, dans l’exactitude et dans l’intensité. Rembrandt imagine un monde spécial, une atmosphère chaude et somptueuse, où l’ombre a des lourdeurs de velours ; ses visages et ses corps sont toujours placés à l’intersection de cette lumière et