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DE L’IMAGINATION

pourquoi, à une époque déterminée, le sol s’est hérissé d’une moisson d’églises qui criaient leur foi vers le ciel ? En dehors de la religion, il y eut des palais, des édifices grandioses, même de curieuses habitations bourgeoises. Tout est fini. Par hasard, dans une ville inconnue, une promenade à la nuit tombante, qui estompe les laideurs actuelles, nous laisse deviner, telles que des dentelles grises, les vieilles beautés lyriques de l’architecture. Mais, pour nos contemporains, voilà un sens mort et perdu.

Mon père. — Il n’en est pas ainsi de la musique. Wagner fut un phénomène en ce siècle, comme il en sera un pour tous les temps, et nul plus que lui n’est fécond en remarques de tout genre.

C’est un homme d’un autre âge. Pourtant il a trouvé le chemin de nos nerfs et de nos cerveaux plus aisément qu’on n’aurait dû le croire. Si l’imagination a des représentants, celui-ci est un des colosses. Imagination septentrionale d’ailleurs où toutes les beautés, tous les défauts du nord ont leur empreinte. Il insiste, il insiste avec violence, avec ténacité, impitoyablement. Il craint qu’on n’ait pas compris. Ce langage de motifs, qu’il a imaginés et dont il fait un si magnifique usage, a le tort de nous donner parfois une impression de lassitude, de satiété. Chez ses odieux et multiples imitateurs cela devient un véritable supplice, rien