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DE L’IMAGINATION

n’étant terrible comme les idées imposées, les routines.

Il fallait bien cependant qu’il inventât ce système de motifs, pour l’alliance réalisée par lui du drame et de la musique, alliance si parfaite que ses personnages nous apparaissent habillés de son. Les motifs, en outre, les associent d’une façon inéluctable, et parfois fort heureuse, aux grandes circonstances de la vie, à leur destin. Enfin ils expriment des choses mystérieuses qui, dans le poème-livret, demeurent sous-entendues.

L’imagination, chez Richard Wagner, est si représentative, si violente qu’elle imprègne l’œuvre jusqu’à satiété de tous les bruits de la nature, et laisse aux épisodes une place restreinte. Dans le tumulte marin qui la submerge, la passion de Tristan et Iseult plonge, puis reparaît, puis replonge. Une même force invincible soulève les flots et les âmes. L’eau, le feu, la forêt, la prairie fleurie et mystique, le lieu saint, deviennent, dans le poème wagnérien, des personnages prépondérants. En ce nouveau paganisme, toute la nature est divinisée.

Votre génération est faite à ces splendeurs, à ce torrent d’héroïsme et de lumière, mais tu ne saurais te figurer l’impression que cette musique exerça sur ceux de mon âge. En vérité elle nous