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DE L’IMAGINATION

l’intelligence. C’est aussi la force de l’ordonnance, de l’équilibre.

Pour en revenir à la musique, j’ai vis-à-vis d’elle cette infirmité ou cet avantage de l’aimer tellement qu’il m’est difficile de faire un choix. J’aime la musique militaire qui passe, le bruit de la mer, le vent dans les pins. Ce qui m’enthousiasme chez Richard Wagner, c’est justement son impressionnabilité à tous les bruits de la nature, et comment cette nature imprègne et bouleverse son œuvre à la manière d’un ouragan. Son orchestre me berce et me roule. Sa douceur et sa puissance me font passer en quelques heures par les émotions les plus vives, ces émotions dont on ne peut ne pas être éternellement reconnaissant à qui les a suscitées, puisqu’elles nous révèlent à nous-mêmes. J’aime et j’admire aussi Beethoven, les vastes et calmes paysages qu’il sait aborder dans l’âme sonore, dans ce que j’appelle « l’autre planète ». La musique italienne m’enchante, et j’éprouve par Rossini cette étrange impression d’angoisse mélancolique que nous donne la vie excessive. Trop de frénésie, trop de mouvement ; il semble qu’on s’efforce d’échapper à la mort. J’adore Mendelssohn, ses délicieux tableaux de nature, la Symphonie romaine, la Symphonie écossaise. Il est certaines heures, vers le soir, où l’âme de Schumann me tourmente… L’énumé-