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DE L’IMAGINATION

penseurs et de philosophes, n’admet point que l’esprit ne s’impose par un rythme, n’obéisse pas à une certaine harmonie, condition supérieure et beauté de l’intelligence humaine. Ce que Platon enseignait à ses disciples, c’était la mesure, un équilibre mental qui ait les monstres en horreur, ne se satisfasse d’une improvisation hâtive et scoriaque.

De cette prise sur soi, de ces longues réflexions destinées à purifier les images, de cette ordonnance intime et somptueuse qui refrène le lyrisme, est né cet état d’esprit qu’a baptisé Platon et dont il fut certainement le plus bel exemple. Il se retrouve, cet état moral, à travers la littérature de tous les âges et l’art tout entier. Il se retrouve chez Beethoven. Il assure à l’artiste une beauté mystérieuse et contenue, et plus d’action sur l’âme humaine, puisque ce qu’il crée est soumis aux mouvements profonds, au rythme de cette âme lorsqu’elle s’occupe de pensées nobles.

Heureux les êtres d’imagination qui ont su commander à leurs images, qui n’ont point laissé s’échapper d’eux-mêmes, comme un torrent souvent bourbeux, les tumultueux produits de leur cerveau ! Cette concentration, cette maîtrise assurent, sans qu’on sache trop pourquoi, une longue durée dans l’admiration. C’est la volonté jointe à