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ALPHONSE DAUDET

jour tiède de la fin de mai qui torture les convalescents. Il tient le gros livre en ses mains débiles. Il veut m’emporter loin, bien loin, par le remède qui soulage ses maux, à la suite de l’intrépide voyageur :

« Imagine, Léon, sa fièvre, plus lourde que la tienne, en ces pays de plantes redoutables, sous le dôme ténébreux du feuillage. Sa seule confiance est dans ses compagnons, Jephson, que tu as vu chez nous, vaillant garçon aux joues roses, le cher docteur Clarke. Et, malgré le délire, il garde le sens de la responsabilité. Il demeure le chef en dépit des souffrances. Quel étonnant réservoir d’énergie ! ».

Il expliquait chaque jeudi à ses convives que Stanley n’est pas un cruel, comme l’ont insinué des envieux, qu’il est au contraire le plus humain, le moins féroce des conquérants, qu’il fut juste autant que tenace.

Quand nous vîmes à Londres celui qu’il vénérait, à l’occasion d’un voyage aujourd’hui précieux en ses moindres épisodes, quand il le tint à côté de lui sur un petit canapé bas, ce fut le plus touchant des spectacles que le voisinage affectueux de ces deux âmes se comprenant si bien. Je l’affirme, celui pour qui mon père eut une si réelle amitié charnelle n’est point un méchant. On reconnaît en lui un des plus beaux types de