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Page:Léon Daudet – Alphonse Daudet.pdf/59

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VIE ET LITTÉRATURE

Dans sa bibliothèque, à côté de tous les grands maîtres, figuraient en première place des récits de voyage et d’aventures. Il prétendait que l’amour pour les hommes d’action s’était développé chez lui par la nécessité d’une existence sédentaire : « j’accomplis par l’imagination ce que mon corps ne me permet plus. »

Il connaissait en détail les campagnes de son héros Napoléon, celles de son autre héros Stanley, les expéditions au pôle nord. Quand on lui parlait de notre siècle, le dix-neuvième, si inquiet, si tumultueux, le plus couvert peut-être de monuments inachevés, il le définissait par deux noms : Hamlet et Bonaparte ; l’un, « prince non seulement de Danemark, mais encore de la vie intérieure ; le second, source de hauts faits et de toute la gesticulation. »

Quant à Stanley, il n’hésitait pas à le comparer au vainqueur d’Austerlitz. Les ouvrages de ce grand homme ne le quittaient point. Il les lisait sans relâche. Pendant ma récente fièvre typhoïde, qu’il m’arrivera de citer souvent comme un des sommets lumineux de la tendresse paternelle, pendant ces heures où je gisais inerte à côté de ma mémoire et de mon intelligence, il essayait le retour de mes facultés par quelques pages des Ténèbres de l’Afrique ou de Cinq années au Congo : il est près de mon lit, vers le jour tombant, ce