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ALPHONSE DAUDET

quées de lignes constructives et directrices. Comme les idées s’associent entre elles, ces embryons moraux se rejoignent. On distingue des parties éclairées ; types, situations, portraits, causeries naissent de deux origines distinctes : l’une primordiale et foncière, la seconde quotidienne, fragmentaire, et toujours en voie d’expérience. C’est la mulatière du souvenir et de l’improvisation. L’être en métamorphose vient, à travers la brume, à la rencontre de l’écrivain. Quelle allégresse, quand il croit tenir son sujet, qu’il n’a plus à examiner que les rôles secondaires, que les comparses. Ce dernier choix, pourtant, demeure laborieux et subtil. L’esprit d’Alphonse Daudet était de telle sorte que le détail devait offrir une image abrégée de l’ensemble. C’est ce par quoi le roman nous hallucine et fait de chaque lecteur un témoin.

Prenez Delobelle, tel qu’il vous apparaît. D’un bout à l’autre de sa biographie, il demeurera conforme à sa silhouette ; jamais vous n’apercevrez la ficelle, la main ni le bras de l’auteur. De même pour le Nabab, le père Joyeuse, Numa, Bompard, Paul Astier et les autres. Cette remarquable continuité nous prouve une assimilation complète du créateur à la créature. L’imagination n’a pas de ces saccades qui déroutent l’observation, et soustraient à la vérité ce que gagne la verve lyrique.