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VIE ET LITTÉRATURE

plupart de ceux qui tiennent le premier rang aujourd’hui furent, à leurs débuts, encouragés et soutenus par lui. Que de lettres aux éditeurs, directeurs de journaux, de théâtres, que de recommandations, d’apostilles ! « Hélas, disait-il, je n’ai plus la présence réelle ». Il savait la puissance de sa parole, ce qui manque de geste persuasif et d’accent sincère au billet le plus éloquent.

Cet amour de la jeunesse, jusque dans ses défauts et outrecuidances, faisait partie de sa curiosité. Il désirait voir et connaître. Une attitude, une poignée de main, un regard, un mot, lui en révélaient plus sur un être qu’une pièce de vers ou un article. Il adorait Plutarque, lequel, en ses biographies, a suivi la règle sensible qui rattache au portrait d’un grand homme sa façon de boire, manger et marcher, ses préférences et jusqu’à ses manies. Il approuvait entièrement les pages décisives qu’écrivit, sur ce sujet, Marcel Schwob en tête de ses Vies Imaginaires. De petits détails, oiseux en apparence, sont de mystérieux couloirs, par lesquels nous atteignons à la clarté des temps anciens, nous pénétrons le labyrinthe des âmes mortes. Les opinions sont chose verbale, transitoire et insignifiante. C’est ce qui fait, à l’ordinaire, si banale et piteuse la vie des personnages politiques. L’agora, le prétoire, l’antichambre du souverain, les États géné-