contre l’invasion d’un trop grand nombre de bons ancêtres allègres.
Le risque noble intervient dans cette libération des hérédismes qu’est la création littéraire, scientifique et artistique. Quand Dante conçoit la Divine Comédie, il ne choisit pas seulement un thème général et souverain, il se risque. Il jette au feu de l’improvisation lyrique toutes ses images sublimes, terribles et suaves, fragments elles-mêmes de son hérédité. Ce risque ranime l’impulsion créatrice, refrène l’excès de facilité. D’où l’impression de rudesse, de contraction, d’effort vénérable dans la trouvaille éblouissante, qui se remarque également chez Lucrèce. D’où l’impression vertigineuse qui accompagne les descriptions du Paradis et de l’Enfer. C’est en lisant ce poème unique que j’ai le mieux compris le rôle du risque et tout ce que le véritable poète expose de lui-même en chantant son âme. Il en est de même de Beethoven, éparpillant ses éléments congénitaux en une multitude de rythmes et de cadences, d’appels et de sonorités, que ressaisit et domine finalement un soi victorieux. On frémit de la prodigalité inouïe avec laquelle il dépense son moi, et de