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LE LANGAGE ET L’HÉRÉDITÉ.

ment descendu dans ce problème vital, parce qu’il était en même temps un savant et un sage, j’ai nommé Frédéric Mistral, a pu dire justement : « Qui tient sa langue tient la clé qui de ses chaînes le délivre. » Double délivrance, à la vérité, hérédopsychique et nationale. Mais la nation, comme l’individu, n’est-elle pas formée d’un soi et d’un moi, d’un soi qui agit dans l’espace et d’un moi héritier du temps.

Chateaubriand, écrivain d’humeur, c’est-à-dire chargé d’hérédismes, possède un soi harmonieux et nuancé. Le rythme de sa phrase est réglé sur une voix ample, qui appelle, faite pour être entendue de loin. Le système hérédostellaire est chez lui exceptionnellement brillant, combiné avec une gravitation continuelle de figures mélancoliques, orgueilleuses, amoureuses, dramatiques, dans lesquelles son siècle s’est miré. Cependant sa sagesse est mince ; je veux dire fréquemment recouverte. Il en est de même du tonus volontaire ; au lieu que l’impulsion créatrice est chez lui d’une grande richesse et toujours en activité. Il exprime plus qu’il ne ressent, ce qui est un des signes du romantisme. L’hérédosphère affec-