invention romanesque, mais quelconque. Quand Corneille enfle la voix, c’est pour la Cité, son honneur, sa durée. Quand Hugo enfle la voix, c’est pour une histoire de valet amoureux de sa reine, ou de bouffon tueur de sa fille. Avec Racine et Corneille, nous sommes dans la logique, avec Hugo dans l’humeur — ou hérédisme — et dans l’arbitraire. Chez les deux premiers, la raison gouverne le style, même dans la peinture des passions. Chez le second, le style emporte la raison. Brunetière, chez qui l’appétence critique était vive, mais le sens critique obnubilé, supposait que le romantisme consistait en un certain élan intérieur outrepassant la réalité immédiate, et découvrait ainsi du romantisme chez les classiques. Or, le romantisme est autre chose : c’est la disproportion entre le thème et le développement, entre le sentiment et l’expression, entre le rêve et le récit du rêve, le tout érigé en doctrine. Le XVIIe siècle savait que l’égarement n’est jamais beau. Le XVIIIe siècle a essayé d’établir que l’égarement pouvait quelquefois être beau. Le XIXe siècle débutant a affirmé que l’égarement était toujours beau. On peut suivre, dans cette progression, la
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LE LANGAGE ET L’HÉRÉDITÉ.