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LE MOI ET LE SOI.

de foi, que celui ci s’applique à nous-même, à la famille, à la patrie ou au Souverain Maître. Bien loin que le soi mène à l’anarchie, il est essentiellement constructeur, agglomérateur et groupant. Il est compagnon. Il est socius. La société est une mise en commun des soi, alors que les moi sont des Robinson, des solitaires, hantés par leurs ancêtres, et le plus souvent des révoltés. Leurs tiraillements intérieurs en sont la cause. Le moi, s’il n’est utilisé par le soi et projeté au dehors sous forme d’œuvre littéraire ou scientifique, oscille entre la stagnation morne et les déchirements de toute forme. La préoccupation exclusive du moi exalte nos défauts et diminue nos qualités. L’usage et le perfectionnement du soi nous confèrent la maîtrise de la vie et le détachement raisonnable de nous-mêmes. L’usage et le perfectionnement du soi nous permettent d’aller là où nous voulons, sans nous laisser emporter ni distraire.

Les mots de « drame intérieur », placés en tête de cette étude, éveillent dans chacun la mémoire d’heures douces, mélancoliques ou douloureuses, qui sonnent au cadran de la conscience, comme en dehors des circon-