Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
L’HEREDO.

seul sait ce qu’il en est. Quand il prête l’oreille aux murmures sans nombre qui le parcourent, semblables au bruissement d’un coquillage marin, il espère passionnément s’en libérer, par le son, par la plume, par le pinceau ; puis il désespère de les fixer, il renonce, il se laisse aller à la mélancolie, que connaissent tous les indécis au front élevé, pâles ou congestifs, et à fortes mâchoires, dont les mains sont agitées de tressaillements nerveux.

Tout autre se présente le maître de soi, le Gœthe, le Mistral, le paysan, le bourgeois ignorés, mais fortement équilibrés, qui nous imposent leur regard pénétrant et calme, leur sourire compréhensif, leur langage accentué mais pondéré, posé, ponctué, leur caractère sans heurt ni soubresaut et leur volonté patiente, réfléchie. Tous nous avons connu ces grand’mères aux yeux clairs, qui savaient tenir leur maison, administrer leur avoir, élever leurs enfants, fermer les yeux de leurs maris, maintenir le crédit commercial. Composui, disait excellemment le sobre latin.

J’ai rencontré, au cours de mon existence, un grand nombre d’hérédos, quelques-uns comblés des plus hautes facultés, mais chez