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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

menceau. Je voudrais montrer le bloc révolutionnaire, le ciment de 1789 à 1795. Vous connaissez cela comme personne. Voulez-vous m’aider de vos conseils.

Céard aimait le tempérament et la personne de Clemenceau. Il connaissait à fond la littérature de l’Encyclopédie, il avait, on doit le dire, découvert, à la lettre, l’auteur des Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos, et son formidable bouquin. Mais il penchait vers la réaction, et son horreur de la Révolution était profonde. Il est un de ceux qui me l’ont enseignée. Antirévolutionnaire parce que patriote, et carabin par-dessus le marché, tel était Céard. C’est de lui que je tiens la curieuse conversation que je rapporte ici fidèlement.

Clemenceau. — Je projette un livre sur la Révolution. Aulard est bourré de documents, mais un peu rampant et froid. Il faudrait réanimer tout cela. Je viens en chercher ici les moyens.

Céard. — Nous avons à Carnavalet des choses intéressantes, mais nous n’avons pas tout. Voici un beau texte : L’ordre aux Suisses (signé de Louis XVI et écrit de sa main) de « cesser le feu et de se retirer dans leurs casernements ». Qu’en pensez-vous ? N’est-ce pas le glas de la monarchie ?…

Clemenceau. — Certainement, elle avait fait son temps et elle s’en rendait compte. La pièce est curieuse. Inopérante pour un partisan de la monarchie.

Céard, riant. — Je le pense bien. Je ne suis pas un partisan de la monarchie, mais, devant les résultats, je me sens, — excusez-moi, — comme dit mon ami Gabriel Thiébaut, foutiste.

Clemenceau. — Moi aussi, par moments, je suis foutiste, et Geffroy a pu vous le dire. Mais il