est une chose sur laquelle je ne transige pas : la Patrie.
Céard. — Moi non plus. (Clemenceau lui saisit la main chaleureusement.)
Clemenceau, réfléchissant. — De fameux bougres, toutefois, ces conventionnels. Croyez-vous que Danton ait pu être un voleur ?
Céard. — Il me semble que Frédéric Masson l’a démontré, d’après les archives des Affaires Étrangères…
Clemenceau, vivement. — Vous les avez vues ?… Un bonapartiste forcené, ce Masson.
Céard. — Non mais… Aucun doute.
Clemenceau. — C’est fâcheux. Robespierre, lui, n’a jamais trafiqué ?
Céard. — L’Incorruptible, vous n’y pensez pas ! Levons notre chapeau.
Clemenceau. — Et Marat, dont je vois ici l’image, dans son sabot ? Lui non plus n’a jamais trafiqué. Je tiens, de Degas, ce récit : « Comme quelqu’un parlait à sa mère, sans mansuétude, des hommes de 1793, la noble femme, aux traits ravagés par le temps, s’écria soudain : « Taisez-vous, monsieur, c’étaient des êtres admirables ! » Ils apparaissaient tels, en effet. Mais que pensez-vous des origines de la Révolution ?
Céard. — Oh, ceci est trouble ! Je pense que, dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la Révolution était dans les esprits, sous la forme morale.
Clemenceau. — Les Liaisons dangereuses ? Valmont et Mme de Merteuil ?
Céard. — C’est cela même. Mais il y a aussi la Femme au XVIIIe Siècle des Goncourt.
Clemenceau. — Expliquez-vous.
Céard. — Ces femmes, profondément athées,