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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

et qui mouraient allègrement, sans prières, présageaient des fils uniquement attentifs aux biens et aux intrigues de ce monde, et qui feraient leur chemin dans les larmes et dans le sang.

Clemenceau. — Ils voulaient le bien général… Ils étaient désintéressés…

Céard. — Aucun doute, mais ils étaient aveugles et frénétiques.

Clemenceau. — La République leur a ouvert les yeux.

Céard, s’animant. — Pour les leur refermer aussitôt. La déchristianisation de la France est une amère folie.

Clemenceau. — Nierez-vous l’influence du parti prêtre, l’éteignoir, par la confession, sur la conscience ?

Céard. — Le véritable éteignoir sur la conscience, c’est l’athéisme.

Clemenceau. — Et vous êtes carabin ?

Céard. — Je le suis.

Clemenceau. — Alors au couvent, pauvre France, au couvent !

Telle fut la fin de ce duo. Céard, grand esprit dans une enveloppe modeste, insistait sur l’animation de son interlocuteur, derrière lequel s’entendait, toutefois, dès cette époque, un grand bruit d’illusions détruites :

Déjà j’entends tomber, avec des chocs funèbres,
Le bois qui retentit sur le pavé des cours.

Raffaelli, peintre de la suburbe de Paris, fit un portrait, expressif et exact, de Clemenceau, les mains dans les poches, haranguant la foule, au cirque Fernando, à cette époque. Il est entouré de ses amis