dont il convenait de se méfier. Le grand patron Paul Ménard passait pour un bourgeois comme les autres, chaud de la pince et qui pelotait, à l’occasion, les femmes de ses collaborateurs.
Clemenceau dit à son ami : « Dépêchez-vous de me faire rencontrer avec vos contremaîtres, car il faut que je retourne en Vendée, pour travailler à mon roman. » Il devenait auteur.
Cette réunion d’un écrivain pressé, et d’ingénieurs aux yeux de qui la Révolution sociale était une absurdité et une blague, ne donna rien. Chacun des « techniciens » présentés émit un avis différent et il en résulta une fatigante cacophonie.
— Eh bien dit Paul Ménard à Clemenceau, le soir, devant leur gigot aux haricots.
— Eh bien, je ne suis pas plus avancé qu’à la Roche-sur-Yon. J’ai écouté tous ces braves types. Il n’y a rien à tirer de leur consultation.
— Ils vous ont, cependant, donné des chiffres.
— Oui, où il y a à boire et à manger. Mais quelle conclusion donner à ce fatras ?
— C’est bien ce que je pense, fit Paul Ménard. Il me paraît d’ailleurs que leurs revendications concernent beaucoup plus leurs intérêts personnels que ceux des ouvriers ou de la maison.
— C’est mon avis.
De leur côté, les contremaîtres, ces adjudants de la grande industrie, n’avaient pas été contents de Clemenceau : « Il fait semblant d’écouter, mais sa pensée est ailleurs. » Il n’avait qu’une hâte : retourner à Paris.
— C’est un parlementaire comme les autres, un peu plus animé et loquace, voilà tout.
— Il paraît qu’il a été acheté par les Anglais, pendant qu’il vivait en Amérique.