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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

images effervescentes, Selma ne put s’empêcher de rire !

— Eh bien, docteur, vous venez ici vous monter la tête.

— La tête, c’est une façon de parler, fit Rodin, qui rangeait, à mesure, ces curieuses images avec soin, pour montrer qu’il y attachait de l’importance, depuis qu’une dame du monde lui avait demandé « si elle ne pouvait pas en garder une ». Il tenait à sa collection comme à la prunelle de ses yeux. Sans doute lui rappelait-elle de chers souvenirs.

— Voyez donc cela, monsieur Helmuth, dit Clemenceau. C’est remarquable. La femme n’a jamais été traitée de cette façon.

Helmuth regarda et prononça :

— Ya, ya gewiss. C’est l’animal…

— C’est précisément cela qui est beau. Pas une miette de spiritualisme.

— Vous êtes dur… objecta Selma.

— Je suis véridique. Dans l’amour il y a une forte part — peut-être la principale — d’animalité. C’est ce qui en fait la souffrance aiguë. Si l’esprit seul marchait, celle-ci n’existerait pas.

Rodin, sans mot dire, riait derrière son lorgnon. Il n’aimait pas le talent d’Helmuth, mais l’homme, d’allure protestante, l’intéressait. Il regardait aussi Selma, très en beauté, comme le loup regardait le petit chaperon rouge. Clemenceau, ayant fini son examen, se leva et déclara :

— Voyons maintenant vos pièces d’atelier, Rodin. Elles en valent la peine.

Une petite paysanne à la tête volontaire, sortant d’un bloc de pierre, attira l’attention du peintre bavarois. Il articula :

— Wunderschön… Cela est beau.