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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Helmuth se rebiffa.

— Il a de crandes idées et c’est mon zouverain.

— C’est vrai, j’oubliais, excusez-moi.

Quand il revit sa chère Selma, « le docteur » lui fit cette confidence :

— Il n’est pas précisément mariolle, votre Helmuth. Qu’est-ce qu’on pense de lui à l’hôtel du Rhin ?

— Je l’ignore. Ce que je sais, c’est qu’il est venu place des Vosges et qu’il veut faire une retouche à mon portrait…

— Ah ! diable, quelle retouche ?

— Il trouve que mon genou gauche est trop sorti.

— Et qu’il a pris froid ?

— Non, mauvais homme, mais il veut la perfection.

— Elle n’est pas de ce monde, si ce n’est en vous. Et alors ?

— Et alors il me demande une séance de pose.

— C’est un farceur. Il veut tout simplement se rincer l’œil avec vous, une fois de plus, ce que je conçois d’ailleurs parfaitement. Comment est faite sa femme, à cet olibrius ?

— Elle est petite et fort laide, avec beaucoup de cheveux.

— Je m’en doutais. Un regorgeur de poils, ce bavarois.

La visite à Rodin, la femme sans tête, la retouche d’Helmuth avaient mis à vif la jalousie de Clemenceau. Il passait chaque jour place des Vosges. Quand la jeune fille était sortie, il l’attendait et regardait l’Illustration, ou taillait une bavette avec la femme de chambre, parisienne délurée qui aimait et admirait sa maîtresse.

— C’est quand elle sort du bain qu’il faut la