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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— Parce que c’est la mote ?

— Parce que, maître, c’est mon goût.

— Vous avez pris ça à Baris.

Une certaine gêne commençait à peser, comme lorsqu’une belle fille séduit, de façon différente, plusieurs hommes réunis. Cependant Rodin appela son praticien et lui ordonna d’apporter du thé et du porto. Il tenait à faire les honneurs de son atelier, tout en considérant Helmuth comme un pompier et un imbécile. Un gros chat ronronnant vint à point fournir une diversion. Rodin, retirant sa blouse, s’assit sur un escabeau et le caressa…

Quand ils quittèrent l’atelier, Clemenceau, qui ne voulait pas quitter Selma, expliqua à l’Allemand :

— Cette jeune paysanne à la coiffe a été la maîtresse de Rodin et il s’est conduit avec elle comme un goujat. C’est un grand artiste, mais il ne vaut pas cher.

Selma interrompit :

— C’est vilain de dire cela, Docteur. Je connais bien Rodin. C’est mon maître. Il a des côtés très nobles.

— Mais par derrière, mademoiselle, de sorte qu’on ne les voit pas.

— Ce qu’il fait est trop gontourné. Puis il casse les bras et les têtes.

— C’est qu’il a un mauvais emballeur… et Clemenceau se mit à rire.

— Remarquez, maître, que c’est vous qui m’avez demandé à visiter l’atelier de Rodin.

— Oui, sans doute. On parle beaucoup de lui chez nous et même pour le puste de l’Embereur.

— il a une drôle de gueule, votre Empereur, observa Clemenceau, et qui ne me revient pas. Il a l’air sournois et peu intelligent.