Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

à dîner par Mme Everdone et il passait la soirée à bavarder avec elle, Selma et Elsa ; ou bien il les emmenait au spectacle, et, si c’était l’après-midi, voir de la bonne peinture.

Entre temps la politique avait à peu près cessé de l’intéresser. Elle ne lui paraissait plus qu’à travers un brouillard et, quand il rencontrait un de ses anciens collègues, il subissait sans plaisir les renseignements que celui-ci lui fournissait et les remarques dont il les ornait : « Quand va-t-il finir de m’embêter celui-là ! » Il délaissait même ses intimes, Paul Ménard et Périn. La calomnie s’était assoupie autour de lui et de temps en temps il demandait à l’amiral Maxse, qui fréquentait comme lui place des Vosges :

— Est-ce que je suis toujours autant payé par le Foreign Office ?

— Toujours autant, répondait l’amiral, en riant.

Tous les quinze jours, les Everdone recevaient pêle-mêle des mondains, des actrices en renom, des avocats, des financiers, des jeunes diplomates, qui faisaient la cour à la maîtresse de maison, à Selma et à Elsa. Clemenceau était un grand attrait de ces réunions où il apportait sa verve, son esprit de blague, des anecdotes sans cesse renouvelées, car il avait vu tant de choses et tant de gens…

— Contez-nous une bonne histoire, monsieur Clemenceau, implorait Sarah Bernhardt en martelant les syllabes. Nous vous écoutons. Nous sommes tout oreilles.

— À vos ordres, madame, Mais dans quel genre mon histoire ? Triste, gaie, morale, immorale ?

— Immorale, cher monsieur, im…mo…rale.

Bientôt tout le monde faisait cercle et riait. Puis apparaissait Paul Mariéton, qui s’informant, en