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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

bégayant, si le pé… pé… prince de Va…va…lori était là. Fort spirituel, lui aussi, le directeur de la Revue Fé… fé librienne donnait la réplique à Clemenceau, lequel lui disait :

— Vous prenez du ventre, monsieur Mariéton.

— Non, monsieur Cle… Clemenceau, mais je suis fo… follement cambré.

— Vous devriez vous faire masser.

— Je n’en ai pas les mo… moyens.

— Allons donc, votre père est riche !

— Mon père est un gon… gonfalonier de la Renaissance, mais il ne m’accorde pas d’a… d’argent.

— Drôle de gonfalonier !…

Sarah Bernhardt reprenait :

— Faites-moi une belle pièce, si, si, une belle pièce, monsieur Clemenceau.

— Madame, je suis précisément en train d’en écrire une…

— Quel est le titre ? Oh ! je suis si curieuse de le connaître.

Le Voile du bonheur, madame, pour vous servir…

— Ah ! le voile du bonheur, que cela est bien, que ce doit être beau !

Clemenceau n’était pas dupe des extases de la comédienne, qui changeait perpétuellement d’avis et avait dit de lui souvent : « Je le déteste, oui, je le dé-tes-te ! » Il lui tourna le dos et aperçut l’adorable Selma et sa cousine qui passaient des petits fours. Le désir qu’il avait de Selma prit soudain une acuité douloureuse. Elle était toute en blanc, avec une bande de broderie d’or au corsage et aux manches. Il l’entraîna, avec son assiette branlante, dans la pièce à côté :