valaient pas ceux de Jean d’Heurs, propriété de sa cousine Ratier. Les jeunes gens connaissaient l’antienne, comme les regrets de Zola, concernant sa « veuneffe » disparue, comme les « mais c’est une canaille, une vraie canaille ! » de Rochefort, lequel ne buvait que de l’eau. Le grand polémiste remarqua aussi, à haute voix, qu’il n’y avait autour de la table que de très jolies femmes et jeunes filles, ce qui était la vérité.
— Ah, la veuneffe ! reprit Zola. Hein, Daudet, hein, mon bon ami ?
— Que voulez-vous, répondit Alphonse Daudet, Elle nous remplace. La musique d’un temps… un bateau qui s’éloigne.
Clemenceau, les mains dans les poches de son habit, approuvait. Bien que jeune encore, il se déplumait ; mais tout en lui respirait la vigueur et la décision et, tout compte fait, en dépit de ses pommettes trop saillantes, on disait mongoloïdes, il était rude, découplé, beau, avec une bouche gouailleuse et des yeux réfléchis. Il s’était marié et — prétendait-on — mal marié, au cours d’un séjour en Amérique. Il professait, sans le pratiquer, le mépris des femmes, étant un sentimental épistolaire et un sensuel rapide.
Les convives avaient demandé qu’il n’y eût pas de musique pendant le souper, pour laisser la place à la conversation. Mais il était entendu qu’après le souper, Gouzien, toujours complaisant, ferait danser « la veuneffe ».
Or voici que la vue de Rochefort et de Lockroy assis à la même table, parmi les rires et les assiettes, induisit Clemenceau au plus tragique souvenir, jusque-là, de son existence : le 18 mars 1871, alors qu’il était maire de Montmartre. La mémoire vous