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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

l’âme immortelle, de la vie éternelle, du paradis récompensant la vertu, de l’Enfer châtiant le vice. Il ne résista pas à la tentation de pousser dans ce sens quelques colles à sa pieuse garde-malade qui se refusa à le contredire — pour ne pas l’énerver — mais n’en continua pas moins à prier et à espérer.

À cette occasion il relut tous les Lundis et Nouveaux Lundis de Sainte-Beuve, dont il n’aimait pas le caractère, mais dont il admirait l’intelligence et la pénétration. Il lisait aussi les journaux et la situation politique ne cessait pas de le préoccuper. Ses collègues, venus aux nouvelles, lui répétaient que les thèses de Caillaux gagnaient du terrain, appuyées sur cet homme d’affaires intrigant et rusé qu’était Alphonse Lenoir. Clemenceau, de longue date, connaissait Alphonse Lenoir, qui avait joué les patriotes au temps de la Nouvelle Revue de Mme Adam, et mené l’opération de l’emprunt russe. Il ne lui semblait pas douteux qu’il eût été acheté par Guillaume II pour faciliter l’introduction des valeurs d’État allemandes à la cote de la Bourse de Paris.

Nous fournissions ainsi, de nos propres mains, l’argent destiné à donner à nos éventuels ennemis des canons et des munitions.

— Ne pensez pas à tout cela, monsieur le président. Vous allez vous donner la fièvre.

Rétabli et plus en forme que jamais, Clemenceau combattit victorieusement au Sénat la Réforme proportionnelle soutenue par Briand. Le 17 janvier 1913, Poincaré était élu Président de la République contre l’aimable Pams, candidat de l’Homme libre. À cette date l’hostilité entre le Lorrain et le Vendéen, qui couvait depuis longtemps, fut déclarée et le