Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
194
LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

pas mettre à la porte. À quoi Clemenceau : « Il avait peur que le « vieillard irrité » lui bottât le derrière, s’il s’était levé ; c’est pourquoi il demeura cloué dans son fauteuil. » On imagine aisément la scène et les rugissements du « Tigre » à travers l’Élysée épouvanté. Pendant ce temps les bons petits amis rigolaient et disaient à Clemenceau : « Kss Kss, mords-y l’œil ! » et à Poincaré : « Il faut faire taire ce fossile, en supprimant définitivement son journal. »

Au Conseil des ministres, Messimy (lui, toujours lui} ayant demandé à Gautier, ministre de la Marine, s’il avait pensé à mobiliser la flotte, et ayant reçu une réponse négative, faillit l’étrangler. Une autre fois ce fut Viviani qui voulut gifler Messimy à propos d’une remarque désagréable. La calotte manqua son but et alla coiffer la caboche de Briand, qui murmura simplement « très gentil ! » « Au Conseil des ministres, m’a dit un témoin qui fut, depuis, mon collègue à la Chambre, on se serait cru dans le préau d’une maison de fous. »

Bientôt Clemenceau devait apprendre par le général Clergerie, second de Galliéni, que le préfet de police, Célestin Henuion, convaincu d’avoir préparé une affiche et des brassards pour l’entrée des Prussiens dans Paris, avait été mis à pied aussitôt.

— Il fallait le fusiller… dit-il.

Mais c’était lui qui, en souvenir de son rôle dans l’affaire Dreyfus, avait donné à Hennion la succession du cabotin Lépine, de l’Académie des Sciences morales.

Seul au milieu de cette sarabande ministérielle, le généralissime Joffre gardait son sang-froid. Quand il fut question du départ des parlementaires