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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/20

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

cuisses maigres, dansait de joie à la pensée qu’ils étaient « butés » :

« Y a du sang plein le jardin. Viens-y voir… Ça leur apprendra… »

Puis le chant de la Carmagnole :

Madame Veto avait promis
De faire égorger tout Paris,
Mais son coup a manqué
Grâce à nos canonniers….
On lui coupa la tête.
........
Vive le son du canon !

L’halluciné se réveilla, il avait dû rêver tout haut, car, en face de lui, auprès de la belle maîtresse de maison intéressée, avec cet air rêveur qu’ont les femmes distraites de leurs préoccupations courantes, Alphonse Daudet, essuyant son monocle, parlait de la rue des Rosiers, de sa voix musicale et sensible…

— Je l’ai vue quatre jours après, oui, le 22 mars, cette petite maison-tragique. Il y avait encore de la poudre dans l’air. Une fleur épargnée par les balles, à l’endroit où Lecomte était tombé, fracassé à bout portant, par un sergent qui avait d’abord paru vouloir l’épargner : « Vous allez nous promettre, général… » Puis il avait changé d’idée… C’était affreux. J’entends encore Flourens me jetant ces paroles de son wagon, dans une gare de banlieue, moi sur le quai, peu avant sa mort brutale : « Solvitur acris hiems… »

— Cauchemar ! dit une voix.

Clemenceau s’était repris :

— La Commune, ce n’en est pas moins la Révolu-