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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

l’unique pensée d’une guerre intégrale. Plus de campagnes pacifistes, plus de menées allemandes, ni trahison, ni demi-trahison, la guerre. Rien que la guerre. Nos armées ne seront pas prises entre deux feux. La justice passe. Le pays connaîtra qu’il est défendu… »

Et, pour terminer, ce cri de foi dans la victoire :

« Un jour, de Paris au plus humble village, des rafales d’acclamations accueilleront nos étendards vainqueurs, tordus dans le sang, dans les larmes, déchirés des obus, magnifique apparition de nos grands morts. Ce jour, le plus beau de notre race après tant d’autres, il est en notre pouvoir de le faire. Pour les résolutions sans retour, nous vous demanderons, messieurs, le sceau de votre volonté. »

Cette dernière phrase fait sourire. Celui qui la prononçait savait à quelles nouilles il s’adressait et qu’il rugissait pour des animaux habitués à seulement braire. Mais il se servait de ce qu’il avait et il s’en servait magnifiquement. Un frisson traversa le cœur français. Des embusqués eurent honte et demandèrent à partir pour la bataille. Ce fut peut-être, avec la première Marne, le moment le plus singulier de la guerre, dû à la fascination d’un seul, moment, en son essence, monarchique.

Transmettant ses pouvoirs à Clemenceau, Painlevé bredouilla quelques mots en faveur de gens de son Cabinet, désireux de servir sous le nouveau maître. Mais celui-ci, d’un ton impératif, lui coupa la parole : « Je brûle les meubles. » Il était résolu à exiger de tous ses services le maximum de zèle