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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

et dévouement. Enfin, enfin, il allait pouvoir se donner tout entier à la Patrie en danger ! Cette minute, qu’il avait attendue si longtemps, espérée avec tant d’ardeur, était arrivée. Les premières nuits il ne dormit pas, tout à la méthode laborieuse qu’il entendait désormais adopter, selon le rythme de la guerre. Après la méthode, les heures régulières, pour son bureau, pour le Conseil, pour les visites au front ; ce qui importait, c’était le calme, la maîtrise de soi. Il s’attendait, avec les Allemands, impatients d’en finir, à de rudes alertes. Ludendorf n’avait pas perdu tout espoir de reprendre la marche sur Paris. On parlait de canons à très longue portée. La phrase qu’il répétait sans cesse, pour en fouetter les imaginations : « Les Allemands sont à Noyon », prenait ainsi une nouvelle actualité. Il allait falloir presser l’armement, au besoin le décupler. Ce Loucheur, en dépit de ses façons de président de Conseil d’administration, avait l’air de s’en rendre compte. Pour la coopération américaine, c’était Tardieu qui s’en chargerait. Resterait à instruire ces hommes robustes d’outre-mer, aussitôt après leur débarquement. Mordacq là-dessus donnerait de bons avis. C’était, celui-là, un savant de la guerre et des moyens de la gagner, un vrai stratège, un esprit clair, une volonté droite.

Deux choses importaient, sans lesquelles on continuerait à piétiner : l’arrestation de Caillaux, pour l’exemple. Toute la France acclamerait cet acte de justice. Le commandement unique des armées alliées, qui ne pouvait être exercé que par Pétain ou par Foch. Faire avaler cette nécessité aux Anglais serait dur. Il connaissait mieux que personne l’entêtement à œillères des Britanniques.