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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Avec eux l’engueulade n’aurait aucune chante de succès. Il s’agissait de les persuader.

Grand, brun, osseux, Ignace avait une idée fixe : obtenir l’exécution de Caillaux, point d’appui du défaitisme, féru d’orgueil, capable des plus noirs desseins :

« Rien de plus facile ; la France entière vomissait Caillaux. Ce poteau de choix ferait aux armées le meilleur effet, » On en eût dit tout autant de Malvy.

— Pourquoi forcer la note ?… répliquait Clemenceau… l’un et l’autre doivent être mis, hors d’état de nuire, voilà tout.

— Demain ils recommenceront.

— Ce n’est pas sûr. Mais, s’ils recommencent — perseverare diabolicum — alors il sera temps de les fusiller.

Ignace se taisait, et quelque temps après, revenait à la charge. Le Vieux demeurait sur ses positions, puis prenait l’affaire à la blague : « Le plus simple serait peut-être de lui faire brûler la cervelle par sa femme. »

Un des premiers actes militaires du nouveau patron fut de dégommer un général cher aux salonnards qui faisait de l’esbrouffe à son état-major et y menait la vie inimitable, sans les talents d’Antoine, aux bras de Cléopâtre. En même temps, il convoquait Mangin et lui restituait son commandement. L’entrevue fut brève et cordiale. Mangin avait la mâchoire serrée, les yeux étincelants, la voix douce.

— Je vous remercie, monsieur le Président.

— Cela vous était dû. Ces salauds-la vont faire un nez, je m’en réjouis. Mais pas de blague, hein ?.… Suprématie du pouvoir civil.