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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

de la guerre », contrairement à la doctrine démocratique, et ce, avec l’évolution de l’activité intellectuelle de Clemenceau, et à laquelle il ne devait renoncer que plus tard « au soir de sa pensée ». Le colonel House était d’avis que le Commandement unique s’imposait. L’Angleterre y était opposée en souvenir du 17 avril où elle avait mis ses troupes sous le commandement du général Nivelle et où l’expérience n’avait pas réussi.

L’arrestation de Caillaux, le 14 janvier 1918, avait eu, en France et au dehors, un effet moral immense, et Ignace avait raison de dire que le procès immédiat et l’exécution de Caillaux eussent rapproché la victoire et augmenté le rendement technique du nouveau Cabinet.

Pendant cette période défensive, Clemenceau apprit à reconnaître les éminentes qualités du général Pétain, habile à conserver des réserves et qui put ainsi, par la suite, résister aux coups de boutoir de Ludendorf. Sans rien retirer du mérite du fougueux Foch, pendant les derniers mois de la guerre, il faut bien reconnaître qu’après Clemenceau, incomparable, Pétain d’une part, Mangin de l’autre, furent les grands artisans de la victoire. Mangin, notre Scipion l’Africain.

Le 30 janvier 1918 nous avions à dîner, ma femme et moi, quelques amis, les Bellaigue, les Lefeunteun (notre cousin le Dr Lefeunteun avait été un héros de Dixmude), les Bainville et Pierre Lalo. C’est ce soir-là qu’eut lieu le fameux raid des avions sur Paris et nos invités rentrèrent chez eux sous les bombes, par miracle sans dommage. Dès cette nuit tragique, il nous parut évident que les avions ennemis, les Gothas comme on les appelait, visaient surtout le Ministère de la Guerre, et la vie de