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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Le général Boichut et Mordacq eurent toutes les peines du monde à empêcher le Vieux de s’exposer inutilement au marmitage. Ils y réussirent cependant, mais ils avaient eu chaud. La thèse de Clemenceau, qui était aussi celle de Mangin et de Marchand, était que le chef doit s’exposer — contrairement à la thèse allemande, à mon avis plus rationnelle. La contre-partie est l’enthousiasme inspiré aux troupes par un tel détachement de soi-même. César — dont l’acharnement et les tendances démocratiques offrent tant d’analogies avec Clemenceau — payait, en certains cas, de sa personne, mais seulement quand il jugeait cela absolument nécessaire. Il se tenait, comme Clemenceau, en contact constant avec ses grands chefs militaires et, pendant la guerre des Gaules et en Afrique leur confia des missions de première importance. Il savait aussi à l’occasion, comme Clemenceau, bousculer son monde, et poursuivre son entreprise de bout en bout, sans se laisser détourner par rien, ni par personne.

La situation militaire, la première surprise passée, s’améliorait dans la Somme et l’offensive allemande était arrêtée. Foch se plaignait de pouvoir conseiller, mais non diriger en fait, les opérations. Finalement une formule heureuse et décisive, conseillée à Clemenceau par Mordacq, et qui ménageait les susceptibilités, lui confia « la direction stratégique des opérations militaires ». À Paris, où tombaient cependant, à intervalles réguliers, les Berthas, l’attribution à Foch du commandement unique avait eu, dans l’opinion, un extraordinaire succès, et, dans tous les milieux, on en avait saisi l’importance. Il fallait entendre les commentaires enthousiastes, dans les tramwways, dans le métro, dans les trains ! Et toujours au refrain :