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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Vers la même époque eut lieu l’exécution de Pierre Lenoir, digne fils du principal agent allemand en France, — et cela de longue date — Alphonse Lenoir. Le dossier de cette affaire si ramifiée m’avait été remis par Henry Bérenger, président de la Commission de l’Armée au Sénat, pour que je le transmette au capitaine instructeur Bouchardon. Ce que je fis. Clemenceau avait bien connu Alphonse Lenoir quand, quelques années auparavant, il était président du Conseil. Mais il ne voulut rien entendre aux instances des amis de ce vieux scélérat décédé, et de Mme Lenoir, auxquelles se joignaient celles de Poincaré. Une première fois, à cause d’un évanouissement du condamné, l’exécution fut remise. Une seconde fois, Ignace fut réveillé, à 2 heures du matin, par un émissaire de l’Élysée, venu de nouveau pour solliciter la grâce. C’est lui qui m’a conté la scène : « Je le reçus sur le palier et lui dis : « Fichez-moi le camp et, si Pierre Lenoir n’est pas exécuté au lever du jour, c’est vous que je fais passer par les armes. » L’avertissement porta. Entre temps, Moro-Giafferi m’avait communiqué des lettres de Mme Lenoir à son fils, où elle lui donnait le conseil de supprimer une maîtresse, Mme d’A…, qui en savait trop. Il y était question d’un chantage « du gros T » (Gustave Téry). Je fis de nouveau passer ces lettres au capitaine Bouchardon. J’ignore dans quelles archives elles reposent maintenant.

Au moment de l’attaque allemande, dite bataille des Flandres (8 avril 1918), le général Foch reçut enfin le titre de commandant en chef des armées alliées en France. Clemenceau, qui, au prix d’efforts inouïs, avait tout mis en œuvre pour parvenir à ce résultat, ne devait être payé, comme, on va le voir, que de la plus noire ingratitude. Par ailleurs,