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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

la question des effectifs se posait avec une redoutable rigueur.

C’est au milieu du mois de mai de cette année, si fertile en événements, qu’en vertu du synchronisme fut rendu le verdict du Conseil de guerre dans l’affaire du Bonnet rouge, étroitement reliée aux affaires Caillaux, Malvvy et Pierre Lenoir. Duval, premier administrateur de la feuille infâme — simple succédané de la trop fameuse Gazette des Ardennes[1] — fut condamné à la peine de mort. Marion, administrateur en second, à dix ans de travaux forcés et cinq ans d’interdiction de séjour ; Leymarie, bras droit de Malvy, ancien directeur de la Sûreté générale, à deux ans de prison et mille francs d’amende. D’autres collaborateurs furent condamnés à des années de travaux forcés et d’interdiction de séjour. Almereyda avait échappé au poteau, ayant été étranglé, dans sa prison de Fresnes, par un codétenu. Ces condamnations eurent dans les tranchées un énorme succès et ajoutèrent encore à la foudroyante popularité de Clemenceau. Un jour, au cours d’une de ces visites à madame la Mort, il félicita quelques poilus de n’avoir pas eu peur. « Mais, monsieur le Président, dit l’un d’eux, vous n’avez pas eu peur de Caillaux. — Pas de lui, non. Mais j’aurais, le cas échéant, très peur de sa femme. »

Cependant les gens au courant s’accordaient à dire qu’il manquait à nos armées une chose : de bons services de renseignement. Sans doute ce service, qu’avait jadis si fortement constitué le colonel Sandher, était-il des plus difficiles à diriger, notam-

  1. Journal, en langue française, du quartier allemand à Charleville.