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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Mangin, de son ton « toujours affable et cependant autoritaire, qui caractérisait sa diction », lut l’ordre que venait de lui transmettre, à Noailles, le général Fayolle : « La mission du général Mangin est de contre-attaquer en flanc l’ennemi, qui progresse dans la direction de Gournay-sur-Aronde. La contre-attaque aura lieu le plus tôt possible, dans la journée du 11 juin. Le front de départ sera orienté d’après la situation de l’ennemi. »

Quelle sera l’heure du débouché ?

« À la question de l’heure du débouché — c’est le général Laure qui parle — qui lui est posée, si je me souviens bien, par le général de Corn, le général Mangin semble hésiter un moment. Il promène son regard sur tous ses auditeurs, l’arrête sur le plan directeur, le lève à nouveau droit devant lui et lance d’une voix douce, comme s’il donnait l’indication la plus naturelle du monde : « Dix heures… » Si cette voix n’était, comme je l’ai indiqué, sans réplique possible, ce serait un tollé. Ainsi on fera sortir cinq divisions et quatre groupements de chars du masque des bois, en plein jour ? On prêtera le flanc aux vues du repaire d’artillerie qu’est le massif de Boulogne-la-Grosse ?… Personne ne pose ces questions, car le seul regard du chef répond d’avance : « Oui, on le fera. »

Succès complet, et le commandant Laure ajoute : « L’esprit offensif est réveillé. Les armées françaises sont fières d’apprendre le succès du groupement Mangin… La bataille de Matz et la contre-attaque du 11 juin ont été véritablement la répétition de ce que vont être la bataille de Champagne et la contre-offensive du 18 juillet. Aussi, parce que l’opinion publique ne les a peut-être pas connues, jusqu’à