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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/26

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— Vous ne me reconnaissez pas. Je suis Riffard, l’ami de da Costa, un de la Commune et qui vous a suivi en politique. Ah, vous avez fait un bon bout de chemin ! Pourvu que vous ne mettiez pas, comme les autres, avec le temps, de l’eau dans votre rouge,

— Ne croyez pas cela. Je deviens même de plus en plus rouge, ma parole.

— À la bonne heure !

— Écoutez, Riffard, si vous voulez bavarder un peu, accompagnez-moi. Mais je ne m’arrête pas, car je prendrais froid. Les nuits de mars sont dangereuses.

— C’est vrai que vous êtes médecin… le docteur Clemenceau ! Oh, j’ai bien connu votre dispensaire. Actuellement, c’est la purée et je cherche une place.

— Qu’est-ce que vous savez faire ?

— Correcteur d’imprimerie. J’ai travaillé dans les journaux. Si vous pouviez me prendre à la Justice. Je ne serais pas exigeant pour le traitement,

— Vous savez l’orthographe ?

— Oui, et même le français.

— Ça, mon vieux, à d’autres. On ne sait jamais le français.

— Pas comme Daudet et Zola, bien sûr. Pas comme Vallès non plus. Mais j’ai écrit quelquefois, jadis, dans des feuilles de chou. C’était suffisant, pas trop mal.

— Eh bien, en même temps que correcteur, je vous mettrai peut-être aux faits divers. Venez demain au journal, Vous me paraissez traîner un peu la jambe. Où allez-vous de ce pas

— Aux Halles. Pour le moment je couche à la corde. C’est malheureux, à quarante-six ans ! Et puis la synovie à la jointure.