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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/273

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

« Vincere scis, Clemenceau, vicioria uti neseis. »

Barrès et Mangin croyaient avoir trouvé une solution acceptable pour les Anglo-Saxons, avec l’État rhénan. Ils avaient sous la main un homme remarquable et dévoué, le Dr Dorten. Mais le pleutre Poincaré ne voulut jamais voir ni recevoir Dorten et donna l’ordre au centre de Spire, en février 1934, de laisser, sans intervenir, massacrer et jeter dans les flammes, les séparatistes rhénans. Clemenceau a conté cela, avec une sobriété pathétique dans Grandeurs et Misères d’une Victoire, un beau livre, où apparaît, avec une certaine timidité dans l’expression écrite, sa nature loyale et primesautière.

On imagine bien qu’au cours de ces négociations, Briand, ivre de rage de n’être pas consulté, et son factotum Philippe Berthelot, véritable « maire du Palais », mirent tous les bâtons possibles dans les roues, l’un et l’autre procédèrent par insinuations et travaux de sape. Clemenceau, se ressentant encore de l’euphorie de la victoire, n’administra pas à Briand l’enlevée magistrale qui l’eût aplati comme une punaise. Briand versa le poison, avec patience, dans l’oreille bien ouverte de Poincaré. La petite histoire de cette période n’est pas encore sortie des archives et des récits personnels. Mais la conduite ultérieure de Briand et de Berthelot donne une idée de ce qu’elle dût être, pendant les malaisées tractations de Versailles. La popularité du Vieux était encore trop forte pour qu’ils l’attaquassent ouvertement. Ils la sapèrent sans se lasser, ayant avec eux le bas personnel du quai d’Orsay et de la police. Celui-ci se disait, comme tout le magma parlementaire, que la popularité redoutable de Clemenceau n’était qu’un marécage à traverser et que