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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

de police Raux, très patriote, très honnête, très intelligent, très dévoué à son « patron », était sérieusement malade. Circonstance favorable au crime. Les éléments sains de la Préfecture connaissent bien les tueurs dont je parle et qui sont dans la dépendance soit de la Sûreté Générale, dite, par dérision, « nationale », soit de la police judiciaire. Quant à l’instigation, elle n’était pas douteuse et certainement d’origine allemande. Les vaincus avaient un immense intérêt à la disparition de leur vainqueur. Ils avaient et ils ont certainement encore des complicités dans la place.

Quand, quelque temps avant sa mort, je rendis visite au grand homme, dans sa solitude de la rue Franklin, visite qui me donna l’idée du présent volume, il me parla de l’assassinat de notre petit garçon, ajoutant : « Vous pensez si je les connais ! » Les, c’est-à-dire les policiers sans uniforme, qui vivent de chantage et de complots, dans les sentines de la société. Je lui exposai alors en quelques mots ce que je savais du cas de mon fils, du cas de Plateau et de quelques autres. Il m’écouta avec intérêt ayant fait lui-même, au cours de sa vie, de nombreuses constatations et remarques à ce sujet.

Le jour de l’attentat de Cottin, je me rendis très ému, rue Franklin. Les officiers de service, dans la petite antichambre, me rassurèrent et je compris, à leurs mines, combien ils aimaient le Président. Ma crainte d’ancien carabin était que les chirurgiens ne cherchassent à extraire la balle, ce qui, chez un homme de l’âge de Clemenceau, eût été mortel. Il n’en fut rien. Pendant plusieurs jours notre maisonnée ne pensa pas à autre chose, et il en fut de même dans toutes les familles parisiennes, dans toute la France, tant l’amour pour le Père la