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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/280

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

dos, se tiendrait tranquille et pépère, ne lui ferait pas la rosserie de circuler. C’est égal, c’était une drôle de récompense et couronne civique que les coups de revolver de cet olibrius : « Bah, il sera certainement condamné à mort par le conseil de guerre et je le grâcierai. »

Mais les lectures ne suffiraient pas. La grande idée de la descendance de l’homme était venue à Darwin, au cours de sa traversée à bord du Beagle : « Je n’ai pas vu assez de pays. Avant d’écrire cette somme de mes réflexions, il me faudrait accomplir un grand voyage. Lequel ? Parbleu, celui des Indes, sinon le tour du monde. » La leçon de la guerre était qu’il fallait, pour vaincre, se donner une stricte discipline, De sa grande écriture en zigzag, il se traça un programme strict, dont il ne devrait jamais, quel que fût le motif, se départir, Lever à cinq heures du matin. Travail jusqu’à midi, avec intervalle du massage de Leroy. Déjeuner frugal puis lectures et, pour le séjour en Vendée, marche rapide, par tous les temps, d’une trentaine de kilomètres.

Mais il comptait sans les sollicitations, auxquelles le restant de l’euphorie victorieuse, de la griserie d’une gloire bien méritée, et sa curiosité naturelle de l’homme lui permettaient difficilement de se soustraire. Quant à la femme, il trouvait assez ridicule, en dépit de son courrier passionné, de la faire couvrir, belle, douce et souple, par un vieux bonhomme de son âge : « La devise de Lemaître, il la faisait sienne : « Inveni portum, spes et fortuna, valete ! Sat me ludistis. Ludite nunc alios. » J’ai trouvé le port. Espoir et fortune, bonsoir ! Vous m’avez assez joué. Jouez-en d’autres maintenant. »