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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

C’est alors que Capus commença à l’entreprendre pour la candidature à l’Académie Française. Les premiers dialogues furent épiques. Clemenceau avait toujours été rebelle à cette chinoiserie, venue de Richelieu, et notamment aux visites obligatoires et au discours de réception.

— Je puis vous assurer, lui dit Capus, qui avait consulté ses collègues, que vous n’aurez nul besoin de vous présenter pour être élu à l’unanimité et que vous n’aurez à prononcer, ni à subir aucun discours de réception.

— Mais, objectait Clemenceau, quel sera l’intérêt pour moi de cette réception hors des formalités ?

— Vous aimez la France et vous l’avez prouvé. L’Académie, qu’on le veuille ou non, est un prestige idéal de la France ; vous grandirez ce prestige en acceptant d’y entrer.

— Vous me promettez que je n’aurai aucune démarche à faire ?

— Aucune, je les ferai pour vous.

— Et si j’échouais ? Il y a là une bande de bondieusards qui n’a certainement aucun goût pour ma fiole.

— Ils viendront tous chez vous, si vous le désirez, vous assurer de leur vote unanime.

— Ça, c’est rigolo et je n’en exige pas tant. Ils détraqueraient ma sonnette.

— Il y aura encore ceci que le père Emile Ollivier n’a pas pu prononcer son discours de réception à l’Acade, parce qu’il avait perdu, « d’un cœur léger », l’Alsace-Lorraine, et que vous, qui avez récupéré l’Alsace-Lorraine, ne prononcerez pas le vôtre,

Ce point de vue amusa le Vieux et le séduisit.