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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

cérébrale des jeunes savants était la même qu’au temps des premières autopsies et de la découverte de l’anatomie macroscopique des organes, des vaisseaux et des muscles. Ces deux gros volumes de Clemenceau sont un acte de foi fort touchant, et où sont inscrits, auprès des démarches inchangées de son esprit, les battements de son grand cœur. Il a un but, en écrivant cette « somme » personnelle : apprendre aux gens jeunes à penser par eux-mêmes, à croire aux témoignages de leurs sens, à ne pas croire à l’invisible. Progresser, toujours progresser, en s’ingéniant à adapter aux circonstances les leçons du génie et du talent. Pas un instant ne lui vient à l’idée que d’autres savants pourront venir, qui bouleverseront, de fond en comble, les conclusions de leurs devanciers. Il ne prévoit ni Guénot, ni Quinton — qu’il aurait pu connaître, — ni Charles Nicolle, Il croit que le génie scientifique a toujours raison, alors que, selon Charles Nicolle, « le génie ouvre plus de faux chemins que de vrais ». Il croit à la lente pénétration de la raison, alors que, d’après le même et quelques autres, les démarches de la nature sont impénétrables à celles de la raison. L’évolution lui semble le seul processus de la nature. Il ne suppose pas la mutation, ni les reculs. Bref, il n’est pas émancipé du matérialisme, qui est précisément en train d’agoniser, quand il fixe ce qu’il croit être ses lois.

Voilà ce qui fait l’intérêt des deux gros volumes que leur auteur, avec la récupération de l’Alsace-Lorraine, voulait laisser aux Français à venir, pour leur édification.

À ses yeux, n’était-ce pas encore un bienfait ?

Le langage de ce testament intellectuel, Au Soir de la Pensée, est pataud, en contraste avec l’essor