Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Oui ! On riait quelquefois. On ne rit pas souvent aujourd’hui. Qui m’aurait dit que, pour nous, c’était une manière de bon temps ? On vivait au pire de la tourmente. On n’avait pas toujours le loisir de grogner. Ou, s’il y avait des grognements quelquefois, ils s’éteignaient à la grille de « l’abreuvoir ». On rageait, Mais on espérait, on voulait tout ensemble. L’ennemi était là qui nous faisait amis. Foch, il y est encore. Et c’est pourquoi je vous en veux d’avoir placé votre pétard à retardement aux portes de l’histoire pour me mettre des écorchures dans le dos — ce qui est une injure au temps passé.

Je suis sûr que vous ne vous êtes plus souvenu de ma parole d’adieu. C’était à l’Hôtel de Ville de Paris, au sujet d’une plaque commémorative où il était dit que nous étions jusqu’à trois pour avoir bien mérité de la patrie — criante injustice pour tant d’autres. À la sortie, je vous mis amicalement la main sur la poitrine, et, frappant le cœur sous l’uniforme, Je vous dis :

— À travers tout, il y a du bon, là.

Le ton est à la fois bonhomme et douloureux.

Quant à l’affaire du Chemin-des-Dames en elle-même, l’ami déçu déclare qu’il n’a jamais reçu à ce sujet ni du maréchal, ni d’un autre, la moindre explication. Foch demanda seulement à Clemenceau « Comptez-vous m’envoyer en conseil de guerre ? » À quoi son interlocuteur lui répondit : « Il ne saurait en être question. »

Il y a, dans ce volume du Père la Victoire, des pages terribles. Notamment le massacre, à Pirmasens, des autonomistes rhénans, où la responsabilité de Poincaré apparaît fortement engagée. Pour l’ensemble, ce livre, à la fois irrité et désolé,