Aller au contenu

Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— Mais Boulanger lui-même adhère-t-il au boulangisme ?

— Assurément. Et même, ajouta Meyer, il est en train de donner des gages aux royalistes. Cela je le sais pertinemment.

— Ah ! oui, reprit Magnard, la duchesse d’Uzès.… Je me méfie d’abord du haut clergé et ensuite des gens du monde. Pour l’armée, c’est une autre affaire. Mais Boulanger a-t-il l’estime professionnelle de ses camarades ? En cas de coup de chien, le suivront-ils ?

— C’est ce qu’on ne sait jamais, cher monsieur, objecta Déroulède. C’est aujourd’hui à nous, les civils, à entraîner les militaires à l’action.

— Comment cela ?

— En prenant leurs chevaux par la bride et en les mettant dans la bonne direction.

Cette réponse fit dire par la suite à Magnard : « Ce garçon est loyal, mais idiot, et il fera un jour une grosse gaffe. »

— Il nous faut procéder électoralement, maintenant que nous avons des fonds, dit Meyer. À chaque vacance, où que ce soit, il importe de présenter le général.

— Mais et les échecs ?

— Ils seront compensés par les succès. Dès qu’il y aura un siège à Paris, en avant pour Boulanger !

— C’est mon avis, intervint Thiébaut. Je reprends mon image : une fanfare de pantalons rouges.

— Et s’il y a un couac ? dit Lemaître.

Magnard rit. Lemaître lui plaisait beaucoup et il avait envie de l’engager au Figaro pour des petits billets, sagaces et piquants, comme ceux du Temps. C’était le plaidoyer de Mme de Loynes pour Clemenceau qui lui avait donné cette idée.

Mme de Loynes avait horreur de la vedette. À ses