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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

cée par là presse réactionnaire, dite « du 16 mai », quoique déjà bien éloignée de Mac-Mahon. Sardou, bavard forcené et qui, à table, imposait le silence à tout le monde pour produire ses effets, possédait tout un lot d’anecdotes rabattues sur la Terreur, qu’il plaçait au cours de ses innombrables dîners en ville. Les gens de cercle et de salon se disaient les uns aux autres : « Sa pièce aura une grande importance politique. »

Vers la même époque, Taine poussait, dans des bouquins intéressants, bourrés de notes et traversés par un souffle ardent et craintif à la fois, les « Origines de la France contemporaine ». Il s’attaquait à « l’anarchie spontanée », chimère de son imagination flambante, mais courte, dans un style véhément et contenu à la fois, qui satisfaisait le bon sens national. Cela n’allait nulle part, mais cela y allait d’un bon pas. Il se lisait agréablement et facilement, ne choquant rien et condamnant tout. La princesse Mathlide, qui l’invitait à ses tristes tambouilles, en compagnie de Renan, explicateur à la petite semaine de Notre Seigneur Jésus-Christ, lui reprochait de condamner la structure, impériale et jacobine, de l’Université, — question dont elle ignorait, la pauvre, le premier mot, — mais avait pour lui, et sa « haute conscience », du respect. De femme plus sensuelle, plus bête et mieux intentionnée, il en a peu existé. Elle était partagée entre ses désirs impétueux et un certain bon sens, joint à des préjugés de famille. Tentée par l’intelligence et la réputation oratoire de Clemenceau, elle n’osait pas l’inviter à dîner, et elle s’informait, auprès des personnes de son entourage, et notamment d’Edmond de Goncourt, des mœurs de cet assommeur de Ferry.