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LE DÉRÈGLEMENT DES PERSONIMAGES.

dangereuse) et malsains. Le pouvoir que donne l’argent les pousse à faire le bonheur, puis le malheur autour d’eux, à tirer les gens de la misère pour les y replonger ensuite, sous prétexte d’ingratitude, à jouir de la corruption systématique, de l’avilissement d’autrui. C’est l’histoire classique du « mylord », qui jette des pièces d’or dans le crottin et exige que les mendiants aillent les y ramasser avec leurs dents. J’ai connu, approché, de tels individus, avec une horreur non exempte de curiosité, comme certains serpents venimeux. Il est bien rare qu’une tare physique ne complète pas leurs tares morales ; maladie de peau, puérilisme, altération parcheminée de la voix, marionnettisme du geste, strabisme, anorexie, impuissance, etc…

Cette perversion sentimentale s’accompagne généralement de pathétisme, du besoin de déterminer des crises de larmes, de séparation, de réconciliation, de remords, de scrupules forcés et outrés, de faire grand étalage de chinoiseries. Les malheureux, atteints de ce vice congénital, ne sont contents que quand ils ont fait battre des montagnes, comme dit la locution populaire. Ils se lancent ainsi dans des aventures susceptibles de leur attirer personnellement, par choc en retour, de gros ennuis. Mais ils ont confiance en leur argent pour apaiser, finalement, à prix d’or, les colères et les rancunes soulevées ou exaspérées. Un des grands procès de trahison de la dernière guerre a mis en lumière un de ces funestes hérédos, Pierre Lenoir,