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LE DÉRÈGLEMENT DES PERSONIMAGES.

maison, qui avaient fini par fonder et lancer un journal quotidien de grande information. Le père Lamaison, grossier comme pain d’orge, n’avait aucune instruction, ni éducation. De ses deux fils, l’aîné était un vague noceur avide ; le cadet, qui mourut dans un accident, une manière de lad d’écurie, ne parlant qu’argot et ne s’intéressant qu’aux chevaux et aux filles. Pendant vingt ans, journalistes, hommes de lettres, académiciens entourèrent de flatteries cette invraisemblable famille, demeurée cependant aussi ignorante qu’une tribu cafre des choses de la littérature et de l’art. La guerre fit que, sur ce fumier, les compromissions d’argent et la trahison se mirent à champignonner de telle sorte que la justice dut s’en mêler. Alors on vit le fils Lamaison, perdu de peur et tiraillé, cherchant à se débarrasser d’une feuille qui devenait pour lui un danger, n’y parvenant pas et s’empêtrant dans des combinaisans politico-financières et dans des conseils d’hommes d’affaires véreux, qui faillirent le mener en Conseil de Guerre. Les ennuis par excès d’argent, sont ainsi comparables et analogues aux ennuis par défaut d’argent.

Le proverbe « à père avare, fils prodigue », n’est pas toujours exact. J’ai connu un fils d’avare, chez qui l’avarice tournait à la manie, et qui, comme son père, cachait l’or dans des pots et passait ses journées à compter cet or. C’était cependant un homme de grande valeur et qui a exercé une